L’agriculture est en
crise, il paraît. La preuve, ce serait qu’environ deux cents
agriculteurs se suicident chaque année en France. Les agriculteurs
sont donc dans la rue. Dans la rue, sur les routes, devant les
centres commerciaux de grandes marques, partout où ils peuvent faire
entendre leur détresse et leurs revendications. La menace, sérieuse,
au demeurant, étant, qu’à ce rythme, il n’y aura bientôt plus
d’agriculteurs en France. Leur revendication, unique et unanime
semble simple : ils veulent « un prix ». Un prix pour le
lait, un prix pour la viande, pour les céréales, pour les légumes,
pour toutes les productions. A première vue, leurs doléances
semblent recevables et, même, frappées au coin du bon sens. Sauf
que... sauf que ... de quoi parle-t-on ? De quoi et, surtout, de qui
? Que nomme-t-on, au juste, par le terme d’agriculteurs ? Vous
aurez remarqué comme moi que les pauvres agriculteurs concernés
sont défendus, en tout point, par un syndicat qui a nom FNSEA.
Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
Exploitants ? Pourquoi ce terme d’exploitants ? Pourquoi pas
agriculteurs ou, comme on pourrait l’espérer, paysans ? Ah bah
non. Les paysans, eux, ils ont un autre syndicat : la confédération
paysanne. Un syndicat de gauche, dites donc !... La bande à Bové
!... Et c’est quoi, cette bande ? Un ramassis de margeots, de
chevelus, de rigolos, qui se contentent de production locales,
saisonnières, aux rendements aléatoires, vendues en local, sans
recherche effrénée de rentabilité. Quoi ?... Sans rentabilité ?
Non ?... Mais, enfin !... on ne PEUT pas entreprendre sérieusement
sans espoir de rentabilité !... On est au vingt et unième siècle...
On ne peut pas ? Mais qui ne peut pas ? Les exploitants, c’est ça
?.... Bah voilà !... La FNSEA, qui est censée défendre nos pauvres
paysans, elle, elle s’en fout comme de l’an quarante, des
paysans. Ce qui l’intéresse, elle, c’est la rentabilité. Et
pourquoi ? Tout simplement parce que la FNSEA est une mafia. Une
organisation réactionnaire, euphémisme, qui défend la « Terre »,
non au sens de planète et de couche superficielle, non, au sens où
posséder une « terre » est un capital. J’ai bien écrit
« capital ». Labourez, labourez, ce sont les fonds qui
manquent le plus. Qui dit « capital » dit
capitaliste. Comme vous ne le savez certainement pas, la majorité
des exploitants adhérents à la FNSEA, ceux qui sont les plus
influents, en tous cas, sont des propriétaires qui n’ont jamais
pris le volant d’un tracteur. Des capitalistes de l’agriculture.
Terres immenses, élevages industriels, mécanisation, un œil sur la
météo, un œil sur les cours de la bourse. Le blé monte, je suis
riche, il baisse, je suis ruiné. Et quand je suis ruiné, qui paye
les pertes ? Bah l’État !... Et si l’État est défaillant ?
Bah ! L’Europe ! … En remarquant, au passage, que les
manifestations actuelles sont tournées contre l’État et l’Europe,
justement, ce qui fait de nos « braves agriculteurs »
rien moins que des chiens qui mordent la main qui les nourrit.
Pourquoi ces « agriculteurs » ont-ils l’oreille de nos
gouvernants, dans ces conditions ? Parce qu’ils les tiennent par
les couilles, tout simplement. D’abord, ils sont armés. Eh oui..
Ils sont tous chasseurs... On ne peut pas les chauffer trop.. Ils
tirent, ces cons-là. Deuxio, parce que ces messieurs ont, depuis
toujours, l’oreille des puissants, particulièrement ceux de
droite, eu égard à leurs convictions profondes. Vous aurez entendu,
sans aucun doute, comme moi, les menaces de voter pour le FN aux
dernières élections si le gouvernement de droite, Sarkozy,
continuait de les ignorer. Mais, me direz-vous, il y a les deux cents
suicides par an. C’est vrai. Et deux cents personnes qui
disparaissent, ce n’est pas rien. Ce n’est, en tous cas, pas
négligeable. Mais, en vérité, on est là sur la vraie vérité. Le
fait que ce phénomène ne peut pas s’expliquer sans tenir compte
du capitalisme. En particulier de son aspect financier. Un aspect qui
oblige à se tourner vers la finance. Et là, on trouve qui ? Le
crédit Agricole. Cette banque, placée en deuxième ou première
place mondiale des établissements financiers, est, historiquement,
la banque « verte », celle des « paysans ».
Première mondiale. Première mondiale ?... Non ?... Si !... Mais
!... Bah oui... Mais !... Cette banque, censée recueillir les
« économies » de nos braves paysans, ces braves gens qui
mettent de côté, pour voir venir, en cas de coup dur, bah c’est
la première mondiale !... Quel est ce prodige ?... Je vais vous
aider. Pour devenir la première banque mondiale quand on est censé
être la banque des paysans, ceux qui tiennent leur richesse des
hectares dont ils ont hérité, qui ont agrandi ce capital par des
mariages consanguins, des magouilles, des médisances, des
dénonciations, surtout pendant les guerres, ceux qui se retrouvent à
la tête de millions qui dorment, ils n’ont qu’un rêve : mettre
leur argent en sécurité dans un coffre. Quand on se trouve de
l’autre côté, il suffit donc d’acheter un coffre, d’embaucher
des employés réacs, biberonnés aux maximes évidentes qui ont
bercé leur enfance, tous ces poncifs sur la richesse ou la pauvreté
et, quand on a récolté le pognon, de le placer adroitement sur les
marchés internationaux. Aucun mérite, donc. Sauf que, sauf que …
A l’autre bout de la chaîne, de la bourse, de la rentabilité, il
y a des gens qui y « croient »... Des gens qui ont un
lopin, qui croient, comme le leur ont dit leurs aînés, que posséder
la terre est l’essentiel, qui croient leur banquier, le Crédit
Agricole, quand ils leur raconte qu’en s’endettant, qu’en
achetant la dernière moissonneuse, le dernier Ferguson, qu’en
acceptant le contrat d’élevage de poulets ou de porcs de la
multinationale qui les a démarchés, ils vont gagner le jack-pot....
Et ben non !... Parce qu’à ce jeu-là, c’est toujours les gros
qui gagnent et les petits qui trinquent. On prend leur fric, on le
place et on ne leur rend rien. Le Crédit Agricole gère la fortune
des gros et envoie sans vergogne les petits sur la paille. Le Crédit
Agricole est le vampire qui entretient la crise. Le vampire qui, avec
la complicité de la FNSEA, se nourrit sur les faibles, qu’il
pousse au suicide, en découvrant trop tard que leur exploitation
n’est pas rentable, et qui verse, par ailleurs, les intérêts
qu’il tire de leurs crédits aux « gros » qui, eux,
vont se plaindre auprès de l’État pour payer leurs
investissements rentables en arguant de la faillite des petits. La
crise actuelle, ce n’est pas la crise de l’agriculture. C’est
la faillite d’un système révolu et déliquescent de financement
du capital des propriétaires terriens français. Le dommage c’est
que, au passage, des hommes payent de leur vie ces errances, le
dommage, c’est que la planète paye, elle aussi, le prix fort, à
coups de pesticides et d’engrais nocifs pour l’humanité entière.
Alors cette crise, qui tient soi-disant au cours des productions
agricoles, c’est, en vérité, d’une part, pour les petits, un
problème d’endettement et, pour les gros, la volonté d’augmenter
encore leurs bénéfices. C’est une crise industrielle où les
« gros » poussent les « petits » à la
révolte, quitte à ce qu’ils se suicident, pour gagner encore plus
de pognon.
Merci pour nos lanternes...
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