samedi 27 février 2016

Crise agricole


L’agriculture est en crise, il paraît. La preuve, ce serait qu’environ deux cents agriculteurs se suicident chaque année en France. Les agriculteurs sont donc dans la rue. Dans la rue, sur les routes, devant les centres commerciaux de grandes marques, partout où ils peuvent faire entendre leur détresse et leurs revendications. La menace, sérieuse, au demeurant, étant, qu’à ce rythme, il n’y aura bientôt plus d’agriculteurs en France. Leur revendication, unique et unanime semble simple : ils veulent « un prix ». Un prix pour le lait, un prix pour la viande, pour les céréales, pour les légumes, pour toutes les productions. A première vue, leurs doléances semblent recevables et, même, frappées au coin du bon sens. Sauf que... sauf que ... de quoi parle-t-on ? De quoi et, surtout, de qui ? Que nomme-t-on, au juste, par le terme d’agriculteurs ? Vous aurez remarqué comme moi que les pauvres agriculteurs concernés sont défendus, en tout point, par un syndicat qui a nom FNSEA. Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Exploitants ? Pourquoi ce terme d’exploitants ? Pourquoi pas agriculteurs ou, comme on pourrait l’espérer, paysans ? Ah bah non. Les paysans, eux, ils ont un autre syndicat : la confédération paysanne. Un syndicat de gauche, dites donc !... La bande à Bové !... Et c’est quoi, cette bande ? Un ramassis de margeots, de chevelus, de rigolos, qui se contentent de production locales, saisonnières, aux rendements aléatoires, vendues en local, sans recherche effrénée de rentabilité. Quoi ?... Sans rentabilité ? Non ?... Mais, enfin !... on ne PEUT pas entreprendre sérieusement sans espoir de rentabilité !... On est au vingt et unième siècle... On ne peut pas ? Mais qui ne peut pas ? Les exploitants, c’est ça ?.... Bah voilà !... La FNSEA, qui est censée défendre nos pauvres paysans, elle, elle s’en fout comme de l’an quarante, des paysans. Ce qui l’intéresse, elle, c’est la rentabilité. Et pourquoi ? Tout simplement parce que la FNSEA est une mafia. Une organisation réactionnaire, euphémisme, qui défend la « Terre », non au sens de planète et de couche superficielle, non, au sens où posséder une « terre » est un capital. J’ai bien écrit « capital ». Labourez, labourez, ce sont les fonds qui manquent le plus. Qui dit « capital » dit capitaliste. Comme vous ne le savez certainement pas, la majorité des exploitants adhérents à la FNSEA, ceux qui sont les plus influents, en tous cas, sont des propriétaires qui n’ont jamais pris le volant d’un tracteur. Des capitalistes de l’agriculture. Terres immenses, élevages industriels, mécanisation, un œil sur la météo, un œil sur les cours de la bourse. Le blé monte, je suis riche, il baisse, je suis ruiné. Et quand je suis ruiné, qui paye les pertes ? Bah l’État !... Et si l’État est défaillant ? Bah ! L’Europe ! … En remarquant, au passage, que les manifestations actuelles sont tournées contre l’État et l’Europe, justement, ce qui fait de nos « braves agriculteurs » rien moins que des chiens qui mordent la main qui les nourrit. Pourquoi ces « agriculteurs » ont-ils l’oreille de nos gouvernants, dans ces conditions ? Parce qu’ils les tiennent par les couilles, tout simplement. D’abord, ils sont armés. Eh oui.. Ils sont tous chasseurs... On ne peut pas les chauffer trop.. Ils tirent, ces cons-là. Deuxio, parce que ces messieurs ont, depuis toujours, l’oreille des puissants, particulièrement ceux de droite, eu égard à leurs convictions profondes. Vous aurez entendu, sans aucun doute, comme moi, les menaces de voter pour le FN aux dernières élections si le gouvernement de droite, Sarkozy, continuait de les ignorer. Mais, me direz-vous, il y a les deux cents suicides par an. C’est vrai. Et deux cents personnes qui disparaissent, ce n’est pas rien. Ce n’est, en tous cas, pas négligeable. Mais, en vérité, on est là sur la vraie vérité. Le fait que ce phénomène ne peut pas s’expliquer sans tenir compte du capitalisme. En particulier de son aspect financier. Un aspect qui oblige à se tourner vers la finance. Et là, on trouve qui ? Le crédit Agricole. Cette banque, placée en deuxième ou première place mondiale des établissements financiers, est, historiquement, la banque « verte », celle des « paysans ». Première mondiale. Première mondiale ?... Non ?... Si !... Mais !... Bah oui... Mais !... Cette banque, censée recueillir les « économies » de nos braves paysans, ces braves gens qui mettent de côté, pour voir venir, en cas de coup dur, bah c’est la première mondiale !... Quel est ce prodige ?... Je vais vous aider. Pour devenir la première banque mondiale quand on est censé être la banque des paysans, ceux qui tiennent leur richesse des hectares dont ils ont hérité, qui ont agrandi ce capital par des mariages consanguins, des magouilles, des médisances, des dénonciations, surtout pendant les guerres, ceux qui se retrouvent à la tête de millions qui dorment, ils n’ont qu’un rêve : mettre leur argent en sécurité dans un coffre. Quand on se trouve de l’autre côté, il suffit donc d’acheter un coffre, d’embaucher des employés réacs, biberonnés aux maximes évidentes qui ont bercé leur enfance, tous ces poncifs sur la richesse ou la pauvreté et, quand on a récolté le pognon, de le placer adroitement sur les marchés internationaux. Aucun mérite, donc. Sauf que, sauf que … A l’autre bout de la chaîne, de la bourse, de la rentabilité, il y a des gens qui y « croient »... Des gens qui ont un lopin, qui croient, comme le leur ont dit leurs aînés, que posséder la terre est l’essentiel, qui croient leur banquier, le Crédit Agricole, quand ils leur raconte qu’en s’endettant, qu’en achetant la dernière moissonneuse, le dernier Ferguson, qu’en acceptant le contrat d’élevage de poulets ou de porcs de la multinationale qui les a démarchés, ils vont gagner le jack-pot.... Et ben non !... Parce qu’à ce jeu-là, c’est toujours les gros qui gagnent et les petits qui trinquent. On prend leur fric, on le place et on ne leur rend rien. Le Crédit Agricole gère la fortune des gros et envoie sans vergogne les petits sur la paille. Le Crédit Agricole est le vampire qui entretient la crise. Le vampire qui, avec la complicité de la FNSEA, se nourrit sur les faibles, qu’il pousse au suicide, en découvrant trop tard que leur exploitation n’est pas rentable, et qui verse, par ailleurs, les intérêts qu’il tire de leurs crédits aux « gros » qui, eux, vont se plaindre auprès de l’État pour payer leurs investissements rentables en arguant de la faillite des petits. La crise actuelle, ce n’est pas la crise de l’agriculture. C’est la faillite d’un système révolu et déliquescent de financement du capital des propriétaires terriens français. Le dommage c’est que, au passage, des hommes payent de leur vie ces errances, le dommage, c’est que la planète paye, elle aussi, le prix fort, à coups de pesticides et d’engrais nocifs pour l’humanité entière. Alors cette crise, qui tient soi-disant au cours des productions agricoles, c’est, en vérité, d’une part, pour les petits, un problème d’endettement et, pour les gros, la volonté d’augmenter encore leurs bénéfices. C’est une crise industrielle où les « gros » poussent les « petits » à la révolte, quitte à ce qu’ils se suicident, pour gagner encore plus de pognon.

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