mardi 3 novembre 2015

Foutez-moi la paix avec mon enfance


Foutez-moi la paix avec mon enfance..... Et vous, déshabillez-vous... En clair, faites-en donc autant. Foutez-vous la paix avec votre enfance phantasmée. Foutez la paix au monde avec votre vision idyllique de votre être en petite dimension. Elle n’est pas vraie. Elle est un rêve. Elle tue en vous la création. Le malheur, c’est qu’on vous fera croire que c’est ce qu’on préfère en vous. Le pire, c’est qu’une bande d’ânes vous braiera aux oreilles que les artistes sont des gens qui ont « sauvé » en eux la part d’enfance. Car c’est totalement faux. Pour preuve, examinez un instant l’enfance des gens dont on reconnaît universellement le talent . Et que voyez-vous ? Un père autoritaire et violent ou bien absent, une mère abusive ou absente, un secret, des violences sexuelles, une inadaptation patente au monde scolaire, des curés pédophiles, un grand frère, une sœur, une tante, un oncle incestueux, un énorme complexe d’infériorité, des complexes sur la taille, voire sur la taille du pénis pour les garçons, sur les seins pour les filles, en gros, pour à peu près tous, une description quasi chirurgicale de l’enfer sur terre. Non, l’enfance n’est pas le lieu idéal de la création mais celui des névroses et, avant tout, de l’impuissance totale face au monde. Nizan ( vous devriez lire ou relire Nizan..) le dit très bien, au sortir de la sienne : J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. Si vous n’êtes pas encore convaincu, lisez Dickens, Hector Malot, Bernanos, Hugo, Fournier, je vous les cite pas tous, et réfléchissez calmement trois secondes.. Vous continuez de souhaiter être l’un des enfants décrits par ces auteurs ? Vous êtes gravement malades... Dire qu’un artiste est une personne qui a sauvé son enfance est une phrase totalement narcissique et égoïste. Ce que ces gens disent au monde, c’est leur impossibilité d’assumer leur enfance sans heurts et sans chaos. C’est une culpabilité. Gilbert Lafaille, chanteur peu connu mais bourré de talent l’a très bien chanté . Il a appelé ça : Neuilly Blues. J’ai le blues de Neuilly, Neuilly Blues... Écoutez ça. En vérité, plus encore qu’une culpabilité, c’est une névrose. Une névrose qui cristallise sur d’autres le regret que beaucoup de nous entretiennent sur le temps où leur vie promettait d’être exceptionnelle. Toujours exprimée à l’âge où le ventre et les muscles pendouillent, où l’esprit se ramollit, où l’on se rend compte qu’on ne sera jamais le chevalier blanc qu’on avait rêvé d’être, qu’on est minable. On se retourne alors vers ceux qui y sont, selon nous, parvenus, et, sans voir la souffrance et le travail que suppose la création artistique, on raccroche nos regrets au temps où on rêvait de leur ressembler. Comme si, adulte, on démissionnait définitivement sur notre capacité à bouleverser le monde et qu’on reportait la responsabilité sur ceux qui « auraient » tué l’enfant en nous. Personne n’a jamais tué un enfant, encore moins en soi, personne d’autre que soi.

Alors foutez-moi la paix, avec mon enfance. Elle dort et je vais très bien sans elle. Ce n’est pas l’enfant en moi qui se dresse devant vous, qui vous conchie, qui ne respecte rien de ce que vous vénérez. Non, non, c’est en moi l’adulte qui fait ça..... Et, pour vous, c’est évidemment bien pire. Si vous avez été, autrefois, un enfant acceptable, ce qui, en plus, n’est pas le cas de tous, aucun tribunal ne vous acquittera jamais pour l’adulte que vous êtes devenu.

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