Foutez-moi la paix avec
mon enfance..... Et vous, déshabillez-vous... En clair, faites-en
donc autant. Foutez-vous la paix avec votre enfance phantasmée.
Foutez la paix au monde avec votre vision idyllique de votre être en
petite dimension. Elle n’est pas vraie. Elle est un rêve. Elle tue
en vous la création. Le malheur, c’est qu’on vous fera croire
que c’est ce qu’on préfère en vous. Le pire, c’est qu’une
bande d’ânes vous braiera aux oreilles que les artistes sont des
gens qui ont « sauvé » en eux la part d’enfance. Car
c’est totalement faux. Pour preuve, examinez un instant l’enfance
des gens dont on reconnaît universellement le talent . Et que
voyez-vous ? Un père autoritaire et violent ou bien absent, une mère
abusive ou absente, un secret, des violences sexuelles, une
inadaptation patente au monde scolaire, des curés pédophiles, un
grand frère, une sœur, une tante, un oncle incestueux, un énorme
complexe d’infériorité, des complexes sur la taille, voire sur la
taille du pénis pour les garçons, sur les seins pour les filles, en
gros, pour à peu près tous, une description quasi chirurgicale de
l’enfer sur terre. Non, l’enfance n’est pas le lieu idéal de
la création mais celui des névroses et, avant tout, de
l’impuissance totale face au monde. Nizan ( vous devriez lire ou
relire Nizan..) le dit très bien, au sortir de la sienne : J’avais
vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge
de la vie. Si
vous n’êtes pas encore convaincu, lisez Dickens, Hector Malot, Bernanos, Hugo, Fournier, je vous les cite pas tous, et réfléchissez calmement
trois secondes.. Vous continuez de souhaiter être l’un des enfants
décrits par ces auteurs ? Vous êtes gravement malades... Dire qu’un
artiste est une personne qui a sauvé son enfance est une phrase
totalement narcissique et égoïste. Ce que ces gens disent au monde,
c’est leur impossibilité d’assumer leur enfance sans heurts et
sans chaos. C’est une culpabilité. Gilbert Lafaille, chanteur peu
connu mais bourré de talent l’a très bien chanté . Il a appelé
ça : Neuilly
Blues. J’ai le blues de Neuilly, Neuilly Blues...
Écoutez ça. En vérité, plus encore qu’une culpabilité, c’est
une névrose. Une névrose qui cristallise sur d’autres le regret
que beaucoup de nous entretiennent sur le temps où leur vie
promettait d’être exceptionnelle. Toujours exprimée à l’âge
où le ventre et les muscles pendouillent, où l’esprit se
ramollit, où l’on se rend compte qu’on ne sera jamais le
chevalier blanc qu’on avait rêvé d’être, qu’on est minable.
On se retourne alors vers ceux qui y sont, selon nous, parvenus, et,
sans voir la souffrance et le travail que suppose la création
artistique, on raccroche nos regrets au temps où on rêvait de leur
ressembler. Comme si, adulte, on démissionnait définitivement sur
notre capacité à bouleverser le monde et qu’on reportait la
responsabilité sur ceux qui « auraient » tué l’enfant
en nous. Personne n’a jamais tué un enfant, encore moins en soi,
personne d’autre que soi.
Alors
foutez-moi la paix, avec mon enfance. Elle dort et je vais très bien
sans elle. Ce n’est pas l’enfant en moi qui se dresse devant
vous, qui vous conchie, qui ne respecte rien de ce que vous vénérez.
Non, non, c’est en moi l’adulte qui fait ça..... Et, pour vous,
c’est évidemment bien pire. Si vous avez été, autrefois, un
enfant acceptable, ce qui, en plus, n’est pas le cas de tous, aucun
tribunal ne vous acquittera jamais pour l’adulte que vous êtes
devenu.
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